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Voyage en Ukraine 1er au 24 août 2003. Claude. |
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Dimanche 3 août Dima Sh. est venu m’accueillir jusqu’à la porte du compartiment. Plus tard il m’avouera qu’il ne croyait vraiment pas à ma venue…. Même sur le quai il doutait de ma présence dans le train bien que Lida l’ait confirmé la veille par un coup de téléphone…. Pessimisme ? Incrédulité de voir un français venir se perdre au fin fond de la campagne ukrainienne ? On se reconnaît tout de suite. A peine trente ans, Pas très corpulent d’épaule, il est à peu prés de ma taille (1,70) Les yeux bleus, le crâne dégarni, un visage ovale qu’illumine un vaste sourire à la Stan Laurel. Nous allons boire un café. En fait Le bar propose tout un choix de cafés solubles genre « Nescafé » Dima parle un français approximatif par manque de pratique. Nous sommes heureux de nous retrouver après des mois d’échanges d’E-mails. Dima n’a pas de voiture et habite dans un village à prés de 100 km de là. Il faut d’abord nous rendre en taxi jusqu’à la gare routière où nous pourront prendre un mini-bus. Devant la gare, le seul taxi disponible refuse la course car il se repose sur la banquette arrière !! Dima est consterné et attribue ce comportement à l’héritage de l’ère soviétique. Finalement un taxi nous emmène jusqu’à la gare routière. Comme il y a 3 heures à tuer avant le prochain départ pour Ivanitsi, le village de Dima, nous allons visiter un cousin à 100m de là. Les abords des immeubles sont vraiment dégradés. Nids de poule, flaques d’eau, trottoirs défoncés. En fait j’apprendrais que ce paysage urbain est assez banal en Ukraine. Les parties communes sont peu ou pas du tout entretenues faute de moyens. Par contre l’appartement du cousin est petit mais aménagé et décoré avec soin. Presque entièrement lambrissé, clair. C’est un T2 avec un grand balcon abrité. La chambre est occupé par l’unique enfant (une fillette de 6 ans qui rêve de devenir gymnaste) et le salon sert de chambre aux parents la nuit venue. Dima m’invite à enlever mes chaussures à l’entrée. La télévision est allumée. Pour me faire plaisir Sasha règle sa télé sur TV5. Le petit déjeuner est très copieux. Je retrouve les cornichons crus que j’ai mangé dans l’avion ainsi que des boulettes de viandes et des tomates. Des céréales que je ne reconnais pas. En fait grâce au dictionnaire j’apprends que c’est du sarrazin. Le tout accompagné par du vin et… de la vodka ! Nous terminons le repas par un excellent thé à la bergamote. Il n’y a pas de couteau sur la table et on mange dans une petite assiette à peine plus grande qu’une assiette à dessert. Tous les plats du repas sont sur la table. Je trouve le vin assez bon. Rien à voir toutefois avec du vin français. Il a un goût de fleur ! La conversation est intéressante. J’apprends que le sentiment nationaliste est dominant dans cette partie de l’Ukraine (ouest). Ici on parle l’ukrainien. Tandis qu’à l’est, vers Kiev, Dniepropetrvsk et Kharkov on parle le russe. Dima me raconte même qu’un jour, de passage à Kiev, dans le métro, les gens ne le comprenaient pas en ukrainien !!! Cette césure en Ukraine est liée à des facteurs culturels. Ici, on est plus proche de l’Europe et on souhaite d’ailleurs que l’Ukraine entre au plus vite dans la communauté européenne. Cette partie de l’Ukraine a été intégré jadis au royaume de Pologne puis à l’empire austro-Hongrois jusqu’au début du XX ème siècle. Cela se lit dans la toponymie et dans l’architecture. Kouchma, le président est considéré comme pro-russe. C’est d’ailleurs un ancien apparatchik du système soviétique qui gère le pays « pour les intérêts de sa famille »…Cette critique, sévère, est très répandue en Ukraine comme j’ai pu le constater à chaque fois que je demandais son opinion à un ukrainien. Nous évoquons aussi le problème des ukrainiennes qui quittent leur pays par dizaines de milliers tous les ans. Ce phénomène, mais pas uniquement, est si important qu’il influe sur la courbe démographique comme je le constaterai plus tard dans des études récentes. L’Ukraine perd de sa population tous les ans ! Mes hôtes sont désespérés face à ce phénomène qui est un « vrai problème national » Nous quittons les cousins pour la gare toute proche. Les trottoirs sont défoncés. Je mets cela sur le compte du dégel mais ma naïveté fait sourire Dima. Pour lui la cause d’une telle vétusté est le manque d’argent et l’incurie de l’administration. Le mini-bus pour Ivanitsi s’arrête toutes les 10 minutes pour prendre ou descendre des passagers. A chaque fois il faut descendre ma valise qui gêne le passage vers la porte. Le trajet est assez long : 2h30 pour faire 100kms. L’état de la route n’est pas génial et oblige le chauffeur à une grande vigilance pour éviter d’énormes trous ou des secteurs complètement altérés. Vigilance aussi pour anticiper les véhicules lents comme les charrettes ou les vieux poids lourds peinant à 20 à l’heure en haut des côtes et les grosses cylindrées qui roule au milieu de la route à grande vitesse ! Dima me raconte que de nombreux chauffeurs de camions et de cars arborent au-dessus de leur volant un disque CD car ils attribuent à ce rond de plastique scintillant le pouvoir de contrer les radars de la police !! Les amortisseurs ne répondent plus vraiment… les soubresauts nous empêchent de somnoler. C’est dimanche et toute la famille Sh. est invitée pour me voir. J’ai l’impression d’être un invité de marque. En fait, je découvre que l’hospitalité est enrichie ici par une grande attention à l’autre. J’offre mes cadeaux : couteau opinel (en échange d’une pièce), parfum, jouets pour Julia, la fille de Dima… et je sors une gourde remplie de porto pour le repas. Le repas a lieu dans la bonne humeur. Le père de Dima a apporté du Samogon –la vodka artisanale- et m’en verse de généreuses rasades… J’aime cette générosité, ces sourires et cette joie simple. L’après-midi, Dima me fait visiter le village. Il semble se limiter à 2 alignements de maisons se part et d’autre de la route mais en réalité il est assez étendu. Il y ici plus de 2000 habitants. La végétation masque les zones habitées.. Seule la route principale est bitumée. Toutes les rues adjacentes sont en terre mais parfois subsiste le reliquat d’un ancien pavage. Au centre deux grandes places bordées de bâtiments publics. Une grande place vide occupé par une ribambelle de chiens à moitié faméliques. De l’autre côté de la route une autre place avec des marches qui mènent à une sorte de théâtre ou de cinéma qui n’a plus l’air de fonctionner depuis longtemps. Un monument au mort dans un coin de verdure représente un soldat soviétique de 4 mètres de haut dans une stature martiale. Je suis intrigué par une scène que j’ai déjà vu plusieurs fois : Une femme + ou moins âgée promène une vache au bout d’une corde. Ce qui m’intrigue c’est qu’elle semble promener un chien. Je ne me trompe apparemment pas puisque, en fait, d’après Dima, cette vache est presque considérée comme un membre de la famille. Beaucoup de gens entretiennent une vraie passion pour leur vache. Tous les 100 mètres environ on trouve un puits. Dima s’arrête pour aider une vieille femme à soulever le seau. Il me raconte le sort de cette femme déportée en Sibérie pendant des années et qui aujourd’hui se retrouve seule et pauvre. Les palissades des maisons sont en bois peint. Certaines maisons plus cossues sont entourées d’une clôture en métal uniforme plus haute que les clôtures en bois si bien que l’on ne voit plus les maisons ni les jardins. Sur notre chemin nous croisons une autre femme âgée qui porte un large panier rempli de champignons. C’est « un vrai sport » dans le village m’indique Dima. Beaucoup de ces champignons serviront à confectionner les bocaux pour l’hiver. Les commerces sont assez nombreux. Il y a au moins 4 épiceries, un magasin de vêtement qui vend aussi des cercueils (!) et autres fournitures pour les cérémonies religieuses : Bougies, petites icônes, images ou écrits orthodoxes. Le plus grand des commerces est une quincaillerie-droguerie assez vaste, vraie caverne d’Ali Baba où on trouve aussi bien des jouets, de l’électroménager, de la lessive et autres produits de nettoyage, des outils de jardinage, du matériel agricole, des vélos et de nombreux containers en plastique pour les conserves de l’hiver. Enfin, le village dispose aussi de trois bars assez rudimentaires où les serveuses se font houspiller par des hommes jeunes. La végétation m’impressionne par sa vigueur. Les arbres sont hauts et nombreux. Les potagers sont fournis sans qu’il soit besoin d’enrichir les sols ! Une des clés de la survie réside d’ailleurs dans cette manne : maïs, tomates, poivrons, cornichons, pommes de terre (…) Autour du village il y a de nombreux vergers. Vergers de pommiers qui croule sous les fruits. |
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