Voyage en Ukraine 1er au 24 août 2003. Claude.

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 2 août

Les raviolis au petit déj’ me conviennent bien. Lida fait du thé et m’explique les infos contenues sur mon billet de train. Je suis un peu hébété…Kiev-Cernovci cela fait 400kms et le trajet en train durerait 18 heures !!! Je ne veux pas y croire ! En fait sur le coup j’ai même pensé que Lida se trompait mais une fois dans le train en voyant défiler les heures et en vérifiant chaque nom de gare traversé sur ma carte d’Ukraine j’ai du me rendre à l’évidence. (j’avais pris soin de me procurer une carte avec l’alphabet russe et l’alphabet latin)

Personne ne parle anglais dans le train mais je trouve finalement un indicateur de chemin de fer affiché dans le couloir du wagon-couchettes. J’ai noir sur blanc la confirmation détaillée que les trains ukrainiens peuvent être très très lents. L’explication tient sans doute au fait que le train ne suit pas une trajectoire rectiligne et qu’il est amené à bifurquer pour aller chercher des passagers à quelques dizaines de km pour revenir au point de la ligne qu’il suivait 1 heure avant. D’autre part les arrêts sont fréquents et assez longs jusqu’à 20 minutes voire plus parfois. Pourtant nous sommes sur une ligne qui traversera 4 pays au moins : la ligne  Moscou-Sofia.

Malgré tout je ne regrette pas du tout cette expérience car le train est ici l’occasion d’un spectacle haut en couleur pour un français habitué au TGV rapide mais sans âme.

Je comprends qu’en Ukraine, vu la durée des trajets, il vaut mieux voyager de nuit.

Les trains sont assez confortables d’ailleurs. Et le prix est dérisoire (pour un Français) environ 10 grivnas par 100 km !

Au départ, quand on monte dans le train, il faut montrer patte blanche sur le quai. Une contrôleuse attend à l’entrée de chaque wagon pour vérifier billet et passeport. Elle garde votre billet et vous rend le passeport. C’est un peu inquiétant comme procédure. Est-ce un héritage des soviétiques pour surveiller la circulation ? Le titre de transport est restitué personnellement avant le point de destination. Ces formalités effectuées on peut monter dans le wagon (assez haut comparé aux wagons français) Le compartiment couchette est constitué de 4 banquettes sur lesquelles on dispose un matelas et des draps loués pour quelques grivnas à la contrôleuse.

A une extrémité du wagon une sorte de chauffe-eau est à la disposition des voyageurs pour préparer thé ou café. D’ordinaire, les gens apportent leur sachet de thé ou de nescafé mais on peut aussi acheter un grand verre de café à la contrôleuse.

Le porte-tasse en fer blanc est souvent décoré à la Soviétique avec un Spoutnik dans les étoiles, des grappes de raisin et des gerbes de blé. On vous apporte votre commande dans le compartiment. Très agréable de boire chaud dans un train de nuit ! Je savoure ce qui en France serait un luxe.

Le décors est assez cosy. Des rideaux légers froncés et enlacés par des cordons, aux fenêtres.

Au sol, un tapis avec motifs. Dans les compartiments, beaucoup de moyens pour déposer ses bagages : grand caisson de métal sous les banquettes basses+ des patères avec des cintres  ainsi que des bandes de tissus élastiques pour garder les plis d’un pantalon contre la cloison enfin des étagères métalliques comme vide-poches. Il y a même des petits haut-parleurs qui diffusent de la musique. Heureusement on peut éteindre le robinet à chansons quand on veut.

 

21h00 le train s’arrête dans une petite gare. Je vais en profiter pour prendre l’air me dégourdir les jambes et fumer une petite cigarette. La contrôleuse-vendeuse est descendue aussi. Tant qu’elle est sur le quai je suis tranquille car je ne comprends rien aux annonces crachées par le haut-parleur. Cet arrêt s’avère incroyable. Une trentaine de gens vont et viennent le long du train interpellant les voyageurs pour leur proposer diverses marchandises. Des jeunes mais surtout des baboushkas s’affairent avec des seaux de pommes de terre, des poissons séchés, des raisins secs, du maïs, des pommes, pêches, abricots, des gâteaux-maisons, des pots de crème fraîche ! et des cigarettes ! Chacun a sa propre litanie et cela produit une véritable polyphonie ponctuée par les coups de marteau que des cheminots assènent aux bogies pour en contrôler l’état. Spectacle surprenant qui me permet de casser la monotonie d’un si long voyage. Des seaux de patates sont soupesés évalués et hissés dans le train pour y être vidés dans de grands sacs. Tout le monde y gagne : les villageois qui ont besoin de liquidité et les voyageurs bien content de faire leurs emplettes à bon prix et puis, il faut bien se nourrir pendant 18h! Les contrôleuses semblent connaître les meilleurs endroits pour se ravitailler.

 

Chaque arrêt du train réveille une économie informelle grouillante,  marché improvisé et éphémère.

Le ciel est sombre et l’éclairage public faible, je fume une cigarette sur le quai, dos au train une vendeuse de pomme harangue quelqu’un derrière moi je me retourne et je me retrouve en contre-plongée face à un grand moine orthodoxe venu prendre l’air à la porte d’un wagon. J’ai un sursaut quand mes yeux rencontrent les siens. On dirait le regard fou de raspoutine. Sans doute que mon imaginaire travaille avec la lumière blafarde. Le train va repartir et la vendeuse de pommes distribue le fond de son seau. Je me retrouve avec 5 à 6 pommes dans les mains. Spassiba.

Petites, d’un jaune très pâle presque blanches, ces pommes sont délicieuses.

Le train est reparti et la contrôleuse rouvre les toilettes. Dehors il pleut doucement.

Je vais dormir.

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